Y aurait il quelqu'un ?

Jeannette, c'est du moins comme ça qu'on l'appelait depuis à peu près une vingtaine d'années. Il convient donc que c'est de cette façon qu'elle se présenterait. De toute façon elle n'avait rien à mettre derrière malgré le mal que ses parents avait eu à lui donner une éducation de princesse dont elle n'avait que faire.

Ce matin là, elle fêtait vingts ans, vingt longues années à ne pouvoir donné son avis sur la vie sans s'entendre réciter des monologues interminables sur les bonnes manières de la jeune fille modèle. Aussi, le raz le bol prit le pas et il était temps qu'elle décide pour elle même.

C'est donc avec insolence qu'elle avait tourné les talons face aux domestiques qui avaient essayé de la retenir alors que son père persuadé qu'elle ne tarderait pas à changer d'avis ne s'était pas préoccupé bien longtemps du poids de son baluchon. Quand à sa mère, elle était bien trop occupée à ne pas vexer son époux pour dire quelque chose.

En colère, de ne pas se sentir plus importante aux yeux des siens, elle se dirigea vers les écuries et décida d'emprunter la jument de sa mère pour une durée indéterminée. Seule ombre au tableau elle ne montait pas à cheval, et rien que pour se mettre en selle, il lui fallu un certain temps.
Une fois l'opération faite, elle se mit en route vers une destination inconnue.

Mais voilà ... les chevaux ça a peur de tout, et une fois assez loin pour qu'il lui soit impossible de rentrer à pieds avant la nuit, l'animal fit un écart et avant qu'elle ait eu le temps de dire "ouf" elle se retrouva les quatre fers en l'air voyant la fameuse jument fuir au galop pour aller rejoindre ses écuries.
La voilà donc, les fesses dans la terre froide sans rien à manger et non loin d'un bois qui pouvait presque l'effrayer.
Elle soupira, exaspérée par la situation, mais bien trop fière pour rentrer, et en se relevant elle aperçut une lueur qui n'était autre que les chandeliers éclairant les fenêtres d'une demeure qui, ma foi, semblait très accueillante.

Sans se torturer plus que cela, elle avança sur le chemin, poussa la grille et comme indiqué près de la porte entra sans frapper dans le hall plutôt confortable.
Elle n'avait pas chaud et espérait ne pas devoir attendre des heures avant qu'on se rende compte de sa présence.

Sans plus hésiter elle fit tinter la petite cloche déposée sur la table de l'entrée et attendit en admirant les tapisseries pendues, auxquelles elle ne trouvait guerre d'intérêt.

Ding ding ding dong...
Oh mais qui gneu c'est qui grigne ?
C'est-y donc la Mathurine
Qui s'énerve sur le gong ?


Ah mais non mais non,
C'est une autre fumelle,
J'n'avions point raison,
Jamais vue, la donzelle !

C'est ainsi que chantonnait un Marius d'humeur primesautière, tout en trottinant vers l'entrée.
Par un heureux hasard, aujourd'hui était le jour où il s'autorisait de sourire. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi, lui même eut eu grand'peine à vous en narrer les raisons. Eut eu. Eut eu ? Mmm... Allez, je vous le concède, aurait eu ! J'aime moins mais je conçois que l'autre puisse choquer.

Donc ! Un Marius aux velleités souriantes marche, d'un pas vif, vers une jeune personne qui vient d'agiter une sonnette. Ne vous meprenez, s'il marche vite c'est seulement parce qu'il est habitué à suivre la vicomtesse, et qu'elle ne sait pas marcher lentement. Comme notre grognon préféré lui arrive à peu près aux seins, vous imaginez bien qu'il a intéret a tricoter des gambettes pour n'être pas largué.

Ses petits yeux perçants n'ont pas manqué de deceler chez l'arrivante une capacité pulmonaire de nature à l'interesser, et comme susdit, sa taille lui permet de profiter largement de la chose, quitte à en voir son champ de vision considérablement réduit. Non parce que, faut pas croire, mais il n'est pas asexué, Marius. Discret sur la chose, peu porté aux envolées lyriques, mais conscient de la necessaire hygiène du corps. Et nul ne pouvait douter qu'il avait les moyens de se débrouiller à satisfaire quelques besoins basiques, une fois doté de quelques écus et d'un tabouret.

Mais là n'est pas le sujet, et il n'était que dans son rôle d'homme-à-tout-faire-et-surtout-le-pire, en venant voir la bobine de qui se permettait d'interrompre la douce quiétude du domaine.

Pas trop mal habillée, mais un air un peu perdu qui lui faisait penser que peut-être elle n'était pas a sa place ici. En gros, une luronne qu'a la mine d'une mule qui pour un grelot, se prend pour celle du pape. Oui bon, faudra vous habituer aux expressions à la Marius, et à ses raisonnements à lui !
Enfin, en résumé, le genre de fille à qui on peut, sur un ton neutre, demander :

Qu est ce que c'est, c'est pourquoi donc, le sujet est ?

Enfin ... quelqu'un ...

Jeannette regarda arriver Marius et fut assez surprise de ce qu'elle voyait. Qui aurait pu penser à un homme si petit pour faire portier. Enfin cela ne la regardait pas de toute façon elle ne comptait pas s'éterniser. Cela dit , elle se demandait à quoi ressemblaient les maitres de maison pour avoir eu cette idée saugrenue.

Elle était fière la Jeannette, aussi campée dans ses bottes, droite comme un "i", malgré son état de crasse elle toisa le presque homme.
Et prenant un air presque hautin, elle répondit à la question qu'on venait de lui poser.

Je suis Jeannette - hésitant un instant à l'appeler messire mais après tout c'était les bonnes manières, on lui avait assez rabattu les oreilles avec ça - Messire. Juste Jeannette, cela est bien suffisant, je me suis égarée après une chute de cheval. C'est la raison de ma venue jusqu'à la demeure de vos maitres de maison. Rassurez vous je ne compte pas m'éterniser mais si je pouvais avoir un toit pour cette nuit je vous ... en serais reconnaissante.

Bon elle avait fait l'effort de l'année mais la fin en justifiait les moyens. Elle attendait une réaction de joyeux, avant de bouger le moindre membres ne sachant si on allait la mettre à la porte ou pas.

Hum.... Il plisse les yeux, le petit. Il a bien senti le regard méprisant de l'arrivante.
Instinctivement, il bombe le torse, se redresse. Il ne supporte pas les à-priori et les jugements hâtifs. Tout du moins lorsqu'ils le concernent.

Il sait bien qu'il est petit, très petit. Mais il costaud comme un petit taureau, et la péronelle ferait bien d'ouvrir l'oeil, parce qu'il ne va pas tarder à se fâcher. Il n'est que domestique, oui, mais il est le chef du personnel, lui ! Et la jeunette vient là en quemandant, donc il lui est supérieur. C'est très clair dans sa tête.

Un toit pour la nuit... Elle est gonflée celle là, c'est pas un hospice ici. Si ca se trouve elle a des puces, ou même des morpions. Bah oui. Y en a qu'en ont ! Et même certaines qui font les belles, mais faut pas qu'elles levent leurs jupes, au risque de détruire toute vie évoluée dans le courant d'air qui en découle. On lui fait pas, à lui.

Enfin, de toute façon, il ne décide pas. Un voyageur oui, il le met dans une grange, avec un repas chaud, en se contentant de prévenir la Dame. Mais une fille... Il préfère lui demander, il sait qu'elle n'aime pas en voir trop trainer au domaine.

Bon. Grumph. Restez là, et touchez à rien. J'm'en va vouère si c'est possible.

Derechef, il lui tourne le dos, et s'éloigne à pas trainants. Et s'en va rejoindre Leello.

Dame... Y a une gazille qu'est à gratter à l'huis. Elle dit comme ça que si c'était possible de passer la nuit ?

Pas si insensible le petit d'homme, et plutôt volontaire, il ne restait plus qu'à espérer qu'on accepte sa présence pour une nuit.
La Jeannette le regarda s'éloigner, et elle attendait de savoir s'il serait assez convaincant, en attendant elle allait pouvoir se vautrer sur un fauteuil, à moins que ce soit une mauvaise idée, la maitresse des lieux seraient surement choquée en la trouvant ainsi.

Elle n'allait pas gâcher les efforts du petit bonhomme qui pourrait lui en vouloir par la suite....
Cela dit, elle ne comptait pas lui montrer mais elle appréciait qu'il ne l'ait pas mise à la porte sans même demander l'avis des propriétaires.
Elle le regarda s'éloigner, se penchant un peu dans l'ouverture de la porte pour le voir s'enfoncer dans le couloir et sourit légèrement remarquant que ce qu'il n'avait pas en hauteur, il l'avait en carrure. Puis elle se reprit et attendit sagement.

Je ne bouge pas messire

Leello du fond de son bureau, qu'elle avait de nouveau pris d'assaut depuis qu'elle allait mieux. Puis il faut dire qu'il fallait qu'elle s'occupe la tête pendant que sa fille récupérait doucement de ses blessures elle aussi.
Elle était si rongée par l'inquiétude qu'elle ne pouvait plus rester sans rien faire et elle avait donc repris ses réflexions sur le bon fonctionnement de la commanderie.

Aussi elle vit arriver Marius, d'un pas décidé, les sourcils froncés et qui semblait assez préoccupé. Dans ces cas là il fallait éviter toute réaction douteuse, voir même rester le nez dans ses papiers tout en faisant semblant de ne pas l'avoir vu, quoique, s'il se rendait compte de la simulation ... ça pourrait être pire. Et un Marius en colère c'était la seule chose à éviter pour garder une maison sereine.
Leello se leva, et prit un air très sérieux bien décidés à rester imperturbable jusqu'au bout.

Citation :

Dame... Y a une gazille qu'est à gratter à l'huis. Elle dit comme ça que si c'était possible de passer la nuit ?

Une gazille .. m'enfin Marius, j'espère qu'elle ne vous a pas entendu. Je vous suis allons voir ce qu'il en est.

Elle le suivit, dans les couloirs pour rejoindre le Hall se demandant si elle pouvait faire confiance à cette femme tombée du ciel. Par ces temps troublés et après ce qu'elle avait vécu ces derniers temps elle devenait un peu plus méfiante. Sentiment qu'elle n'aimait pas mais qui était devenu incontournable. Cela dit, ça finirait par passer, après un retour au calme et un peu de temps pour effacer les traces des derniers mauvais souvenirs.

Tous deux arrivèrent dans le Hall, et Leello regarda la jeune femme plantée là, elle avait un air certes vindicatif, mais rien de bien plus méchant qu'une jeune fille en crise de rébellion. La maitresse de maison ne put s’empêcher un léger sourire à peine perceptible en regardant le Marius qui semblait presque moins râleur que d'habitude.

Marius ? voulez me présenter notre voyageuse ?

La patronne s'était déplacée. Alors ça, il ne l'aurait pas cru. Tout ça pour une étrangère qu'était même pas d'ici !

Enfin, trottinant, il l'avait suivie jusqu'au hall d'entrée, pour se trouver face au corps du délit. Pas mal le corps d'ailleurs, pensa t-il à l'issue de son second examen.

Il s'inclina devant Leello. Pas trop, parce que vu l'altitude de départ, trop se pencher lui mettrait la tête au ras du bas de la robe. Or, il est communement admis que ça ne fait pas, et certes telle attitude eut pu laisser penser que le petit bonhomme n'était pas si pur. Or ça n'etait pas le cas, et il vouait à sa maîtresse une admiration sans bornes, doublée d'une totale dévotion.
En gros, elle était la seule pour qui il aurait accepté de se faire raccourcir. La tête.

C'est elle, Dame.

Forcément, vous qui avez suivi, vous savez que c'est elle. C'est un poil couillon comme reflexion, mais Marius n'avait pas grande habitude des mondanités.

Elle dit s'appeller Jeannette.

La moue dubitative qui accompagna le propos prouvait suffisamment qu'il restait méfiant quant à l'identité de la donzelle.

Jeannette vous dites,

Leello se posa son regard sur la jeune fille.

Joli prénom, je me présente donc, je suis Leello de Proisy Fortunat, maitresse des lieux comme vous avez pu le comprendre et je vous souhaite la bienvenue.
Vous souhaitez l'hospitalité pour la nuit, je vous l'accorde, Marius va vous installer dans le pavillon des invités.
Si je puis me permettre demoiselle, sachez que Marius est avant tout un ami cher qui veille sur cette demeure, je vous demanderai donc de vous adresser à lui avec respect.

Un regard vers Marius, avant de reprendre.

Vous allez pouvoir vous détendre un peu, avant le diner, et si vous le souhaitez un baquet est à votre disposition. Je vais retourner à mes affaires, nous nous verrons plus tard en salle à manger.

Leello ne pouvait pas jeter cette personne dehors, elle en était incapable d'autant que la jeune femme semblait un peu perdue. Durant le repas elle essaierait de savoir d'où elle vient, et elle s'assurerait qu'elle n'est pas en fuite.
Elle quitta la pièce et rejoint son bureau pour finir ce qu'elle avait en cours avant de rejoindre le chevet de sa fille.

La maitresse des lieux ... Jeannette, malgré son caractère était un peu mal à l'aise, cette personne ne semblait pas très commode mais elle lui offrait l'hospitalité pour la nuit, et elle comptait bien en profiter pour reprendre se reposer avant de se remettre en route.
Malgré tout elle fut surprise de voir qu'elle parlait ainsi de son portier, homme à tout faire. Chez elle c'était très différent avec les domestiques, pour le coup elle avait compris qu'il ne fallait pas qu'elle se manque avec le petit d'homme si elle ne voulait pas finir sa nuit aux écuries.

Elle le toisa une fois encore et lui sourit interrogatrice quand à la direction qu'il fallait emprunter pour rejoindre sa chambre.

Marius, je vous suis ?

Un sourire léger sur les lèvres.

Le baquet ? c'est obligatoire ? ou juste recommandé ?

Et voilà, une invitée. Par prudence, il retint un grogrement, c'est que la dame pouvait crier fort aussi, d'autant qu'en ce moment elle n'était pas en grande forme.
Néanmoins, il se fit encore un peu plus grand, ou moins petit, en entendant "Marius est un ami". Alors ça... Il allait le garder un long moment, car peu de choses pouvaient lui donner autant de fierté.

Donc, pavillon des invités. Ca tombait bien, une des belles chambres était prête. Non pas qu'il considére l'arrivée comme un hote de marque, mais la classe du domaine ne devait pas être prise en défaut.

Oui demoiselle, vous me suivez, j'vas vous montrer ousque vous allez gésir. Pour le bain, oui c'est obligatoire, et avec du vinaigre ! On a des blessés ici, on ne veut point de miasmes !

Il la considéra un moment, perplexe.

N'avez donc pas de bagages ? Comment que vous allez vous changer ?

Il se tourna vers Leello.

J'avions bien quelques frusques qu'étaient à ma nièce, vous vous souvenez, qu'était passée là v'là 2 ans. Mais faudrait mesurer... Ca risque ben de serrer là...

Joignant le geste à la parole, il pose ses deux mains sur le haut de son torse.

Leello s'arrêta entendant la question de Marius puis sourit réalisant qu'il avait pris soin de faire attention aux détails.

Faites au mieux Marius, sinon il doit rester quelques vêtement dans l'atelier de couture qui ne serviront plus à personne aujourd'hui. Offrez les à la demoiselle si cela vous fait plaisir.

Elle s’éclipsa alors, cette fois pour de bon.

Le petit homme commença de taper du pied devant la visiteuse, une fois Leello partie.

Bon... Vous attendez ptete que j'vous porte, ouque je vous frotte le dos, Moiselle ?

C'est par là, enquillez moi l'pas, nom d'un saucisson !

Il soupire lourdement tout en marmonnant quelque chose qui ressemble à "empotée de fumelle, grmbl..", et file vers la porte qui mène dans la cour.

Vla qu'il s'énervait l'autre ....
Manquait plus que ça, c'est qu'elle était fourbue et l'idée de courir derrière lui ne la motivait pas tant que ça la Jeannette.
Elle le regarda et soupira discrètement.

Ouiii bon je vous suis allons y !
Vous croyez ptet que je veux passer la nuit ici ! et dites moi ça vous écorcherait d'être aimable ... juste un peu ! ?

Puis froncant un peu les sourcils,

En plus n'allez pas imaginer que vous allez me frotter le dos ! manquerait pu qu'ça !

Sur ces mots elle emboita le pas derrière lui, sans ajouter un mot et en faisant une moue des mauvais jours. Au final même si elle se plaignait de l'ambiance familiale personne ne s'était encore adressé à elle de la sorte.